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LE TEMPS SCELLÉ

Andreï Tarkovski. Collection "Fugues". Ed. Philippe Rey. (2014)

      Bien que mort à Paris en 1986, Andreï Tarkoski continu de fasciner les cinéphiles du monde entier. Pour qui a vu ses films, de l'Enfance d'Ivan au Sacrifice, l'emprunte laissée en chacun de nous est profonde et indélébile. C'est donc avec un immense plaisir que nous accueillons la rééedition du Temps Scellé que l'éditeur Philippe Rey nous propose en ce moment. 

 

     Soyons clair. Les écrits de cinéastes sont majoritairement insignifiants. Se contentant de ressasser des souvenirs et des anecdotes de tournages, leur utilité reste le plus souvent à démontrer, même si bien sûr il y a des exceptions notables: le Cinématographe de Robert Bresson, Laterna Magica d'Ingmar Bergman et les nombreux écrits de Sergueï Eisenstein. A ceux là, il faut donc ajouter ce Temps scellé qui, en dehors de son indiscutable valeur théorique, permet de se confronter au talent d'écrivain de Tarkovski. 

 

    En effet, si il n'est pas donné tous les jours de pénétrer ainsi dans la pensée complexe d'un auteur comme le cinéaste russe, il faut noter ici que l'écriture précise et intime formidablement traduite par Anne Kichilov et Charles de Brantes, nous laisse intacte le dialogue que le cinéaste établi avec son lecteur. En présentant sa conception de l'Art Cinématographique au regard de ses propres réalisations, Tarkoski définit tout ce qui fait selon lui le Cinéma. D'un point de vue ésthétique bien entendu, mais aussi d'un point de vue moral. Il met en garde contre certaines facilités et quelques erreurs trop souvent commises et replace le 7ème Art dans une logique artistique et poétique. 

 

    Se considérant avant tout comme poète en quête d'une vérité de la Vie selon sa propre vision de la vérité (celle du sentiment et de la perception, il se nourrit de tous les arts. picturaux d'abord, littéraires ensuite. En prince de la digression, il n'hésite pas à faire appel aux grands artistes qui lui ont inspiré sa réflexion permanente. Raphaël, Carpaccio, Dostoëski, Proust ou les frères Lumière; il trouve en chacun d'eux une piste à exploiter pour rendre compte justement de sa propre perception.

 

    Le temps scellé est donc un magnifique texte qui voit plus loin que le travail cinématographique. il est une réflexion sur la vie et l'appréhension qu'en a l'auteur. Réflexion magnifiquement menée grâce à une langue superbe et émouvante filtrée par un prisme qui hantera toute l'oeuvre du cinéaste: celui de la spiritualité. Mais une spiritualité multiple, autant religieuse qu'artistique, comme base fondatrice de toute pensée. Une sorte d'aventure mystique et proustienne qui fait de ce livre une mine de réflexions sur tout ce qui fait l'existence. A l'image même des films de cet immense auteur qui nous manque tellement que le plaisir même d'en retrouver la voix si précieuse justifie à lui seul de se (re)plonger dans la lecture de ce Temps scellé à tout jamais. 

 

SD

   

 

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