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Stephen Malkmus & The Jicks 

Wig out at jagbags

 

Les années 90! Les Pixies, Weezer, Kula Shaker, Pavement.... L'époque d'une pop qui faisait du pied au rock sans jamais oublier d'où elle venait, ni à qui elle s'adressait. L'époque durant laquelle Nirvana et Soungarden tentaient de montrer plus explicitement que les groupes susnommés, les tourments du Monde et ceux d'une jeunesse qui se trouvait tiraillée entre une vision reaganienne et thatchérienne , béliqueuse, individualiste et glorifiant Wall Street; et celle du paysage nouveau qui se découvrait avec la fin du bloc soviétique.

Une jeunesse (et une musique donc) perdue dans ses doutes et ses certitudes. Une époque de paradoxe où la liberté croit qu'elle vaincra (ou qu'elle a vaincu) et qui donne des ailes à tout un tas de groupes américains, pour la plupart, qui mettent à plat cette étrange conception du martial avec la poésie, voir le surréalisme (Pixies, Kula Shaker) ou même le bucolique (Weezer). 

Cette folie nouvelle qui tranche avec la britpop européenne est restée culte pour beaucoup d'entre nous et a donné lieu à de véritables manifestes tels que "Trompe le monde", "The Blue Album" de Weezer et plus tard, "Brighten the corners" de Pavement. 

Aujourd'hui, il ne reste plus grand chose de cette époque. Les survivants se sont pour la plupart fourvoyés dans des albums alimentaires oubliables, les autres ont tout simplement disparus. Stephen Malkmus, lui, ne se résout pas à mettre la clé sous le paillasson. En digne membre de Pavement, il re-signe pour la seconde fois un album sous son nom, agrémenté des mystérieux Jicks dont on se demande encore leur utilité sur un  tel album. 

Tous les fantômes des 90's y sont convoqués. Les guitares sont à leur place, assurant la ligne mélodique. Elles saturent bien un peu de temps à autres pour marquer une petite rage, un miaulement plaintif d'adolescent embourgeoisé, elles montrent bien un petit poing frappé poliment à la fin du repas avec un mouvement de mèche en guise de rebellion appuyée, mais tout cela sonne faux. Ce ne sont pas quelques "Tou dou doudou" à la Weezer ou un cri digne de Franck Black qui réveillera les morts que Stephen Malkmus convoque. 

Et puis, il y a cette autre suspicion plus inquiétante: et si en agrémentant son rock passéiste de mélodies solaires et fichtrement bien ficelées (trop parfois), Stephen Malkmus ne tentait pas de s'autoproclamer en héritier de Brian Wilson? Les deux ou trois citations à Smile, ces choeurs lumineux et fous , ces nappes de claviers qui s'entremêlent aux guitares effrayantes de neutralité... Ces accents empruntés au génie californien semblent bien être la preuve ostentatoire de la folie mégalomaniaque de Malkmus. 

C'est donc avec tristesse, que cet album dont nous attendions la sortie, qui fut mis en écoute libre dès la semaine précédente, que ce disque donc,dont nous voulions tant dire le plus grand bien est en réalité une terrible imposture, une sortie de route certe jolie, mais dépourvue de charme et de prise de risques.

Il se contente de n'être qu'un flot inexorable de réminiscences, un permanent coup d'oeil dans le rétroviseur.

On aurait préféré que Malkmus profite de tout son talent et de sa créativité passée pour aller vers l'horizon, avancer, et nous prouver qu'il était encore bien là. Peine perdue. On attendra d'autres temps pour que l'artiste murisse enfin. 

 

 

 

S.D

James Vincent McMorrow 

Post Tropical

Une voix haut perchée dévale un torrent de pureté et de clarté dans un roulement de choeurs. Ce torrent charriant un bric à brac de claviers, de boîtes à rythmes, de mandolines et de guitares, emporte l'album de James Vincent McMorrow vers une frontière inconnue où le soleil semble éternel.

De titres en titres, le lyrisme évoquant Patrick Watson nous emporte littéralement et la vague finit par nous atteindre. Il faut alors garder toutes ses capacités d'auditeur pour ne pas se trouver emporté dans la force de l'émotion qui pourrait nous cacher un album qui voit beaucoup plus loin que le coeur.

Car Post Tropical est aussi un disque qui s'adresse aux sens. Il dégage une telle force qu'il en est presque palpable. Il provoque de telles images qu'il est une véritable peinture héritée de l'Art Fauve. 

Post Tropical sent le crépuscule du lieu où il a été conçu: un endroit près du Mexique, un espace sans nation où tout l'Univers semble s'être donné rendez-vous.

C'est exactement ce à quoi l'on assiste avec cet album: la conjonction de toutes les beautés du monde sous l'oeil du véritable poète qu'est McMorrow. 

S.D

Son Lux 

Lanterns

Tout en folie, en orchestrations oscillants entre mégalomanie et minimalisme; Lanterns de Son Lux est un rejeton des derniers albums de Sufjan Stevens. Déroutant; il laisse dubitatif et fascine à la fois. Un album comme on les aime: en dehors des chemins balisés et des autoroutes sans surprises.

S.D

Sharon Jones & the Dap Kings 

Give the People what they want

Elle a été convoyeuse de fonds et surveillante pénitentiaire avant de pouvoir sortir à 46 ans son premier album "Dap Dippin' with Sharon Jones & the Dap Kings". C'était en 2002 et, depuis la chanteuse ne cesse de fournir des albums d'une soul ressourcée en compagnie de ses fidèles Dap Kings. 

 

Car la musique de Sharon Jones correspond exactement à l'esprit de son label Daptone. Mieux, elle en est l'âme. Soit une soul dépourvue d'artifices. Des enregistrements sans échantillonages, en direct et autant que possible en analogique. Le son de Daptone est par conséquent unique dans la production actuelle et Sharon Jones est belle et bien la figure de proue de ce parti pris. 

 

Elle revient donc cette année avec un nouvel album intitulé "Give the People what they want". Littéralement: "Donne aux gens ce qu'ils veulent". Et la chanteuse sait mieux que quiconque ce dont son public et le Monde ont besoin: de Vie, de Vérité et de Sincérité. C'est donc ce qu'elle insuffle dans ce disque sur lequel elle passe en revue les tourments de la Vie sans jamais tomber dans le misérabilisme. Au contraire, elle n'a jamais aussi bien chanté et sa musique n'a jamais autant reflété les vissicitudes racontées par ses chansons avec autant de simplicité et de luminosité.

 

"Give the People what they want" est un album d'autant plus troublant qu'il est né dans une période difficile pour l'artiste. Elle se sait atteinte d'un cancer en plein enregistrement. 

Qu'à cela ne tienne, l'énergie propice à la naissance de l'album n'en sera que plus concentrée, plus efficace.

Sharon Jones est une battante comme il en existe tant. Mais pas de rage, pas de colère chez elle. Elle revient sur ses amours passés et déçus, sur tous ces amis qui ont traversé sa vie mais qui n'en étaient pas. Elle convoque des fantômes que peu d'artistes oseraient mettre à jour. Et c'est avec la délicatesse de sa voix fêlée, c'est avec toute la compassion à laquelle elle nous a habitué tout au long de sa discographie; avec sa propre vision de la Vie et de la Musique, qui chez elle ne font qu'un, que Sharon Jones nous livre un bien parmis les plus précieux qui puisse être offert: l'Humanité. 

 

Pour tout cela "Give the People what they want" est un disque qui dispense une énergie et une soif de vivre au delà de nos éspérances et ramène Sharon Jones au rang d'une Aretha Franklin sans aucun doute possible. 

 

 

S.D

Tim Hecker

virgins

Pour commencer, afin de vous parler du dernier album de Tim Hecker sorti en fin d'année, il faut que je vous parle un peu de moi. 

J'ai passé, comme beaucoup de gens, des instants chez mes grands parents dans la campagne bourguignonne. Dans l'arrière cours se trouvait un monstre d'acier, une mécanique implacable et bruyante. Un géant de près de 3 mètres qui avalait la sciure et la recrachait sans discontinuer. Il s'agissait d'une immense scie à ruban qui taillait en pièces des troncs d'arbres avec un appétit insatiable et un vrombissement fait d'un son sourd, mate et qui créait un rythme au fur et à mesure que le ruban s'enfonçait dans les veines du bois ou qu'il tombait sur un noeud. 

C'est exactement ce son qui ouvre "Virgins" et ne le quitte jamais.

Un clavier désaccordé vient soudain s'immiscer dans cette torpeur sonore et compose une mélodie boiteuse, asymétrique mais c'est elle qui vient tenter de rompre la psalmodie mécanique et neutre grâce à sa puissance évocatrice inhérente aux instruments auxquels nos oreilles prêtent naturellement attention. 

Mais rien n'y fait. Le vrombissement ne s'en laisse pas conter et n'hésite pas à mettre en pièces la petite ritournelle qui tentait de percer l'insoutenable hurlement robotique. 

Puis les luttes s'enchaînent. Une nouvelle mélodie entre sur le ring. Un petit jouet au son incertain tente d'être David devant ce Goliath qui dévore l'album. Lui aussi se verra réduit à néant. Et ça continu. Chaque fois, la tentative est vaine pour l'instrument de faire entendre sa petite mélodie face au géant binaire. 

Tim Hecker est un artiste au sens premier. C'est un artisan qui tente une proposition du Monde, un homme qui fabrique des images qui elles mêmes forment des idées, qui rendent ensuite un état de ce que nous sommes. Maître de l'électronica, il parvient à saisir la lutte fratricide qui agite "Virgins" entre des sons mécaniques (un piano, des cuivres, un jouet...) et des sons digitaux. Le combat est violent et nous laisse percevoir ce que nous sommes: des êtres faits d'une dualité, tiraillés entre le réel et le 2.0. 

"Virgins" porte bien son nom puisque c'est vers la source de la musique, vers cette note unique, ces deux accords primaires, ce rythme minimaliste que tend tout le disque en déconstruisant le système même de mélodie et d'harmonie. 

On trouve du Phillip Glass chez Hecker. Mais surtout on pense au grand maître de l'abstraction picturale qu'était Malevitch et à sa recherche d'un art expurgé de toute représentation. 

"Virgins" de Tim Hecker est donc un album d'une exigence parfois déraisonnable mais formidablement fascinant. Un disque qui s'apparente à une forme d'Art Contemporain, une recherche de ce qu'est le son, l'harmonie mais aussi le silence, Graal de toute composition et élément nucléique de toute musique.

 

S.D

Dominique Dalcan

Hirundo

Une quinzaine d'année ! C'est le temps qui nous sépare des dernières nouvelles que l'on avait eu de Dominique Dalcan, chanteur atypique qui aurait dû prétendre à une certaine gloire dans les années 90 quand surgit sur les ondes « Le danseur de Java » et « Brian ».

 

Nous avions alors Ã  faire avec une vague de chanteurs délicats, incapables de choisir entre textes et musique, et qui, du coup faisaient tout et le faisaient bien. Ils n'avaient pas leur pareil pour nous prouver que la pop pouvait s'écrire en Français et surtout qu'elle devait s'affranchir de cet héritage estampillé « chanson française » qui lui collait à la peau, l'empêchant de voir au delà que quelques canons qu'il convenait alors de respecter à la lettre. C'est ainsi que nous avons vu apparaître des Jean François Coen, des Daran, Autour de Lucie, les Innocents (même si dans ce cas la marche en avant était déjà bien entamée) et même une Zazie dont on ne savait déjà pas trop à l'époque qu'en faire.

C'est sur ce terreau d'une chanson fine, délicate et affranchie que poussèrent également un Dominique A ou un Miossec qui suivirent d'autres trajectoires, éblouis qu'ils étaient par la lumière d'un Bashung ou par la prose d'un Henri Calet.

 

Mais depuis ces 15 ou 16 ans, qu'est devenu ce chanteur si fragile, si précieux ? Comment allons nous retrouver la grande silhouette désarticulée qui laissait échapper une voix si souple ? C'est avec le même plaisir que nous écoutons « Hirundo » sorti il y a quelques jours.

Il est intact ce goût de la composition maîtrisée, finement dentelée, servant des harmonies moins préoccupées par l'Outre Manche mais pleines d'une intimité qui servent des textes souvent bouleversants sans jamais oublier d'être lumineux.

Car c'est bien de cela qu'il s'agit chez Dalcan : une recherche désespérée de la lumière quoi qu'il en coûte. Même quand la chanson « Paratonnerre » qui cèle l'héritage sous-jacent de Daniel Darc, s'impose par son pathétisme et sa douleur, Dalcan sourit. Et comme ce sourire vient de profondeurs que peu d'artistes atteignent, il nous éclaire, nous donne à sourire aussi.

Il est bon de retrouver un vieil ami et s'apercevoir qu'il n'a gardé de son âme passée que le meilleur sans s'être oublié sur le chemin. Dalcan, avec son « Hirundo » nous fait cette impression. Sans nostalgie pourtant. Au contraire, le plus simplement du monde ; avec un naturel et une modestie qui nous désarment.

 

Et puis, il faut dire un mot sur cette voix qui n'en est pas une. Sur cet instrument multiple chez Dalcan. Ce medium qui laisse filtrer un nuancier d'émotions auxquelles nous perdions peu à peu l'habitude à force de voir se raréfier la délicatesse et le sens de l'interprétation dans la variété hexagonale. Il y a du Daho, du Chamfort dans ce grand type mince et discret. Il y a cette gravité qui se terre sous des mélodies pudiques ; des mots qui s'apprivoisent tant ils ne crachent pas leur amertume mais au contraire soupirent et s'excusent de n'être que les passeurs d'histoires malheureuses.

Comme chez ses aînés donc, Dominique Dalcan entretient ce sens la discrétion, de la pudeur pour dire les petits et les grands tourments.

 

L'écoute d' »Hirundo » devient donc par sa propre construction, une écoute forcément multiple, attentive et durable. Comme tous les grands disques finalement.

 

 

S.D

Warpaint

Warpaint

Ce qu'il y a d'étonnant avec les Warpaint, c'est qu'elles semblent sortir de nul part. Ces 4 filles sont apparues il y a quelques années avec un disque qui avait à l'époque mis beaucoup d'espoir dans ce groupe qui faisait tourner les guitares dans des spirales de ténèbres qu'elles tentaient d'extirper à la force de leurs voix angéliques.

 

Et ce Warpaint millésimé de 2014 provoque encore une fois une drôle d'impression. Un air de déjà entendu peut être. Les références à Liz Frazer et ses Cocteau Twins mais aussi à Everything but the girl et parfois même à Massive Attack, tout cela sonne comme un condensé d'une époque durant laquelle on assistait au mariage fusionnel de la cold wave et de ce son que l'on nommerait bien trop vite "Trip-Hop". 

 

Dans le même temps, on s'aperçoit que Warpaint n'est pas dans la démarche d'un pillage esthétique de ses glorieux aînés. Ces filles donnent un sens à leur musique. Elles ont d'autres ambitions que de n'être qu'une relève d'une vieille arrière garde ou qu'un élément décoratif dans une discothèque déjà surchargée de sirènes homériennes carressant des claviers au milieu de guitares complaisantes.

 

 Non, les Warpaint construisent patiemment une oeuvre selon un rythme à contretemps de son époque. On le sent dans une production qui refuse les chartes de la compression numérique, du format et même du genre. 

Si cette fois-ci, nous avons à faire avec un album éponyme, ce n'est sans doute pas le hasard. Le groupe brouille les pistes, rajoute des éléments: un soupçon de dub au milieu de l'album, une guitare qui sature (qui pète les plombs?) dans la seconde moitié. Warpaint est en transition. L'album est l'autre morceau du dyptique qui s'était entr'ouvert il y a 3 ans. Nous voyons là, l'oeuvre complète et enfin achevée. 

​Il restera au groupe à continuer de tenter de briser les chaînes qui les relient à un destin auquel elles refusent de se soumettre avec raison. Non, elles ne sont pas 4 sirènes sur un rocher; non, elles ont d'autres ambitions que de charmer le monde de la musique et l'auditeur. Ecoutez bien cet album, il révèle bien des secrets quant au futur de ce groupe. 

 

 

 

 

S.D

Mogwaï

Rave Tapes

En hyper-activité ces derniers temps, Mogwaï revient moins d'un an après son dernier album qui naissait du remarquable travail réalisé par le groupe pour la série Les Revenants. 

Après bientôt 20 années d'existence, comment renouveler cette musique de laquelle les mots sont presque bannis (et quand ils ne le sont pas, ils se trouvent vidés de leur sens jusqu'à l'épuisement)? Comment sortir de cette angoisse permanente qui surgit entre le cauchemar et le réveil? 

Il faut sans doute avoir vu Mogwaï sur scène pour mesurer l'impact de ce mur sonore qui fait vaciller les ambiances doucereuses jusqu'à la collision qui les fait éclater en des millions de morceaux dont les éclats nous parviennent parfois dans la douleur. Car le groupe est un créateur d'ambiances avant tout. Des ambiances faites de guitares, de basses et d'une batterie qui n'a que peu de voix au châpitre. 

 

Sur Rave Tapes, la surprise est au rendez-vous. Comme si Mogwaï avançait à rebours, comme si cet album cédait à cette mode insupportable et opportuniste de préquel. La première partie de l'album étant cotonneuse, presque rêvée, mais de ces rêves auxquels les albums précédents ne nous avaient pas habitués. Il y a presque l'ombre de berceuses dans ces morceaux qui s'étalent en mélodies que l'on avaient déjà aperçu depuis Mr.Beast et qui s'acharnaient à réapparaître par-ci par-là à travers les différentes compositions du groupe. Cette fois-ci, nous y sommes: Mogwaï arrache enfin cette étiquette qui lui colle à la peau; sa mue est faite. En reprenant tout depuis le départ, en n'ayant plus peur de l'apaisement et du sens mélodique, il reconstruit le rêve qui l'avait conduit à cet état entre chien et loup, cet état de réveil angoissé après le cauchemar. 

 

Cependant, il reste cette porte ouverte sur le bruit. Ce passage où la berceuse peut à tout moment sombrer dans la rage. Mogwaï reste donc toujours maître de sa psyché et nous attendons une suite à cette mini révolution qu'a entamé le groupe. Parce qu'en effet, il s'agit maintenant de savoir de quel genre de révolution il s'agit. D'un changement radical ou d'un cycle qui s'apprête à reprendre?

 

S'il faut s'engager sur une piste, je choisis la seconde. La boucle et la symétrie ne sont-elles pas les formes inhérentes à la musique de ces Ã©cossais? 

 

S.D

Thee Silver Mt.Zion

Fuck Off get free we pour light on everything

Pour leur retour dans les bacs, les canadiens partaient avec quelques handicaps.

Premièrement, le line-up se trouva véritablement amputé puisque 5 membres du collectif devaient participer à la création de cet album. De toute l'histoire de Silver Mt. Zion, qu'il soit précédé d'un "Thee" ou d'un "A", et qu'il soit adjoint d'un Memorial orchestra ou non; jamais il n'avait créé sans un minimum de 7 membres. 7, le chiffre ultime. Celui de la chance, celui des religions, des piliers de la sagesses, ce chiffre bancal mais parfait. Impair mais garantissant un espace démocratique ainsi qu'une notion d'équilibre paradoxalement idéal. 

Ensuite, le label Constellation (dont on ne tarira jamais assez d'éloges sur Glasba) sortait du succès critique et publique du dernier album de Godspeed You Black Emperor qui ressuscitait après des années d'un silence inhabituel. La chape était donc imposante pour Thee Silver Mt. Zion puisque leurs compatriotes de Godspeed leur fauchaient doublement l'herbe sous le pied. d'une part en accaparant 2 musiciens, d'autre part, en plaçant la barre très haut dans l'univers musical que les 2 formations se partagent.

Enfin, il fallait s'avouer que le dernier album paru en 2010 "Kollaps Tradixionales" n'était pas à la hauteur de ce que l'on était en droit d'attendre de ce groupe.

La remise en question étant donc nécessaire et multiple, qu'adviendrait-il du processus créatif de ce collectif assourdissant?

 

Première chose frappante: l'écoute ne se fait pas dans la douleur et l'agression. la rage est bien là, les guitares distordues aussi mais d'étranges éléments intrigues. Ces petits riens qui brouillent la mécanique implacable du chaos, qui sont-ils? Que font-ils? Je dis "ces petits rien" parce qu'ils sont fugaces, à peine présents mais toujours à l'entrée d'un nouveau titre. Des mots d'enfant, une ritournelle, des mots d'adolescent, un ersatz de requiem. Ils ponctuent le déluge et les grondements de ce qui fait la vie. L'album se termine d'ailleurs sur des mots qui résument l'urgence d'un tel disque et qui définissent l'essence de Silver Mt.Zion: la musique n'est pas rien, elle est la vie elle même. Il n'y a pas chez ces punks mélodiques la notion pascalienne du divertissement. Non, rien ne fait oublier l'existence et la mort, rien ne viendra jamais remplir le vide d'une existence. Pascal avait tort, l'existence est déjà pleine à qui veut le constater, le divertissement n'est pas là. Il y a dans cette musique quelque chose de plus essentiel, une preuve de la vie et du chaos qu'elle engendre. Mais que serions-nous sans ce chaos? Peu de chose en définitive. Et quand la musique parvient à de telles intensités, quand elle est capable de rendre de choses aussi essentielles, d'une telle profondeur, on se dit alors que rien d'autre ne compte que de la savourer pleinement en essayant d'entendre ce qu'elle a à nous dire. 

Un conseil: prenez ce temps car "Fuck Off Get Free We Pour Light on Everything", est un amas de puissance qui propulse sa musique avec une telle foi, qu'il serait dommage que vous n'entendiez pas ce qu'elle a à vous dire. 

 

S.D

Damien Jurado

brothers and sisters of the eternal son

Régulièrement, depuis de longues années, la presse nous découvre de nouveaux artistes qu'elle adoube et porte aux nues. Ces artistes, la plupart du temps filent telles des comètes et s'enfoncent dans les tréfonds de l'oubli pour cette même presse comme pour les passionnés de musique déjà passés à autre chose. 

 

Pendant ce temps, d'autres construisent tranquillement leur oeuvre dans la pénombre; illuminant les chanceux qui leur restent fidèles, parcourant leurs disques un à un comme de minis trésors que nous scrutons inlassablement et régulièrement. 

 

Damien Jurado est de cette catégorie. malgré son succès et sa reconnaissance auprès du public et de la critique Nord-Américaine, il est l'une de ces pépites qui brillent doucement dans nos discothèques. Fidèle au magnifique label qu'est Secretly Canadian depuis plus de 10 ans,il expose ses rêves et sa folie douce au fil de chansons élevées au soleil d'hiver et à l'imagination sans limites. 

 

Ce mois-ci, Jurado nous est revenu pour un troisième album (sur la dizaine que compte sa discographie) concocté avec un autre doux rêveur: Richard Swift, lui aussi sous la protection du label qui donna des ailes il y a quelques années aux Cocorosie, à Antony & the Johnsons ou à Jens Lekman. Jurado et Swift, c'est l'étincelle qui met le feu aux rêves que Jurado mettait en musique jusqu'alors. Le duo fait en effet éclater, dès St Bartlett, puis avec Maraqopa par la suite, le folk intimiste de l'Américain de Seattle, en brisant carcans, barrières et complexes, pour nous offrir de véritables joyaux lyriques, pétillants, dans lesquels l'onirisme est la seule loi; et dégage ainsi la musique et le folk en particulier de toutes contraintes. 

 

Avec "Brothers and Sisters of the Eternal Son", le tableau continu de prendre forme. Martin Aston dans Mojo, appelle cela un kaleidoscope et rien moins que Nick Drake et Fleet Foxes pour poser le décor du successeur de Maraqopa auquel il est d'ailleurs fait référence avec un sublime "Return to Maraqopa" qui entérine bel et bien la notion feuilletonesque dans laquelle s'est embarqué le duo. J'ajouterais qu'il y a plus que cette parenté au folk et à la mélancolie des artistes cités dans l'article de Martin Aston. Il y a quelque chose de cinématographique: un découpage, des plans qui se succèdent et donnent à voir des îles imagées peuplées d'enfants. Plus encore, il y a quelque chose de virginal dans la trilogie mais plus encore dans cet album qui s'autorise tous les excès sans jamais sombrer dans le kitsch. 

 

En 2012, nous avions eu le sentiment de passer un cap dans la musique de Damien Jurado et lui avions trouvé un cousin éloigné, caché dans les profondeurs des songes: les Phantom Buffalo nous emmenaient à la découverte de leur île "Tadaloora" et l'on sentait la proximité avec "Maraqopa". 

 

Aujourd'hui, avec "Brothers and Sisters of the Eternal Son", Jurado nous conduit au delà de ces îles oniriques et atteint l'essence même du rêve et la moelle de l'imaginaire. Et c'est avec cette matière qu'il parviendra, c'est certain, à rencontrer enfin le public qu'il mérite afin que nous ne soyons plus quelques uns à avoir la chance de profiter de sa voix sublime et de son univers décharné et rêveur. 

 

Et ce succès là, même s'il sera tardif, en sera non seulement mérité pour l'artiste mais apportera au plus grand nombre une vision originale et remplie de beautés qu'il conviendra alors de partager. 

 

C'est tout ce que l'on souhaite à la magie que dégage un tel album. 

S.D

David Crosby

croz

 20 ans qu'il n'avait pas mis les pieds en studio. L'ex Byrds, David Crosby ( Crosby, Stills, Nash & Young ), refait surface avec l'album Croz sur lequel il s'entoure de Mark Knopfler, Steve Tavaglione (croisé aux côtés du Pink Floyd Roger Waters et surtout Wynton Marsalis, pour un album apaisé auquel se sont invités quelques fantômes. On est évidemment pas dans un disque répondant à des critères de mode et de flatteries musicales, et ça ne l'empêche ni d'être réussi, ni d'être beau sur lequel plane bien entendu la légère ombre d'un Neil Young.

 

 

S.D

Dum Dum Girls

too true

Produites par Richard Gottehrer (producteur historique de Blondie), les Dum Dum Girls surprennent leur monde avec un troisième album hors du temps qui invoque quelques figures du passé. Si Siouxsie et Lydia Lunch sont des références évidentes, les Dum Dum Girls rappellent quelques années après The Organ à quel point le phrasé lancinant de Morrissey et la guitare rebelle de Marr conviennent parfaitement aux groupes féminins. Bien plus en tous cas qu'aux marchands de souvenirs bon marché qui ont tenté toutes ces années de nous donner le goût des Smiths sans jamais en avoir saveur aigre-douce caractéristique. 

 

Ces filles là savent cojuguer l'amertume avec la douceur; le noir et la lumière; et nous renvoient alors à ces souvenirs de ces groupes désespérés, pris dans la tourmente de l'Angleterre déliquescente sur laquelle tombait toute la violence et l'horreur de Thatcher, des Malouines et d'un monde bi-polarisé dans lequel il était inconcevable de ne pas choisir de camp. 

Ces filles-là, donc, restituent, et l'accommode à notre époque tout autant troublée, cette dualité, cet inconfort et cette envie de s'enivrer dans des vapeurs toxiques qui ne font pourtant pas voir le Monde plus rose qu'il ne l'est. 

 

Avec leur propre identité, elles rendent ainsi cet hommage à ces perdus de la pop, ces angoissés du dancefloor que sont les Smiths, The LA's, Siouxsie and the Banshees, The Cure, Blondie... et elle parviennent à faire de "Too True" leur meilleur album à ce jour. 

 

 

S.D

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