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RIVIERE NOIRE 

RIVIERE NOIRE

Première chronique du mois pour Rivière Noire car ce disque est typiquement ce que Glasba souhaite mettre en avant: la mixité, les horizons divers, le partage.

A l'image de sa pochette, Rivière Noire est un patchwork musical qui réunit en un même endroit les Antilles, Le Brésil et l'Afrique. Que se soit en Français, en Créole ,en Portugais ou en Bambara, les langues se mêlent dans des compositions venues des quatre coins du monde. Blues, musique mandingue, lusophone, tradition européenne ou caribéenne, Rivière Noire n'y voit aucune différence et construit un album de chaleur à l'âme authentique. 

Difficile de sortir un morceau de cet album tant ils ont tous le charme qui leur est propre et créent une cohésion tellement fluide que ca en devient entêtant.

 

Rivière Noire vient donc avec son album éponyme et ses musicalités faites une, réchauffer nos platines, notre hiver et les âmes de ses auditeurs. Merveilleux.

 

S.D

 

le dessin ci dessous est signé Bastien Vives pour l'article que Liberation a consacré au groupe.

BRATSCH 

BRUT DE BRATSCH 1973 - 2013

Les Balkans, l'Arménie, L'Italie, la France, la tradition Tzigane... cela fait déjà 40 ans que Bratsch parcours les univers musicaux en les entremêlant, les distordant pour en faire cette musique reconnaissable entre mille. Une musique de tradition que le jazz vient parfois pervertir. Les Bratsch ont eu bien des inspirations, bien des périodes différentes, mais toutes mènent à un sentiment de cohésion que rend très bien leur best-of publié récemment. En effet, si le principe de condenser une carrière entière en quelques titres me semble souvent inutile et ridicule, il faut bien admettre que cette fois-ci il en va d'un autre cheminement. Plus qu'une rétrospective stérile, "Brut de Bratsch" est un nouveau voyage, un périple qui reprend des itinéraires déjà empruntés, mais à la lumière du temps tout prend soudain un autre sens. Et malgré notre connaissance du groupe et de sa musique, on se laisse embarquer dans ce nouveau voyage comme si il était le premier.

 

S.D

 

MICHEL CLOUP DUO 

MINUIT DANS TES BRAS

Intimidant.

L'adverbe convient au nouvel album de Michel Cloup que l'on attendait avec impatience depuis que les titres étaient diffusés ça et là sur le net et en 45T depuis quelques mois. La frustration était telle que l'ex-Diabologum au passé donc prestigieux était plus que jamais attendu au tournant. 

A l'écoute de "Minuit dans tes bras" on reste pantois, abasourdit par le choc. La guitare omniprésente semble être l'essence de cet album mais pas son carburant. "Calmer le feu avec un incendie, arroser d'alcool et d'autres produits..." est peut être la clé de l'énigme. Michel Cloup pratique la politique de la terre brûlée. Il brouille les pistes de lecture. En envoyant la guitare en première ligne de son combat, il en fait l'arbre qui cache la forêt. Elle sert en fait de lance flamme pour que les mots poussent à l'arrière comme s'ils étaient l'unique vie réelle de ce disque.

Car les textes sont d'une puissance à la hauteur de la musique presque bruitiste de celui qui fit de "La Maman et la Putain" un chef d'oeuvre musical autant que le film qui l'inspira. Ici, Cloup livre un grand disque d'amour et de la douleur qui va parfois avec. Tantôt dans l'aphorisme, tantôt dans le vers et la rime, il puise dans sa maîtrise des figures de style de la langue, un matériaux qui ne se résume pas à l'ornementation. Il forge des textes qui assomment, qui brûlent, puis apaisent. 

On attendait bien de lui une forme de violence liée à un soupçon d'expérimentation mais c'est une démonstration de rage intérieure qui se déroule. Une rage qui n'éclate jamais vraiment, car Cloup ne veut pas être la caricature de son passé.

Comme pour Mendelson l'année dernière, il prouve que l'exigence et l'expérimentation ne sont pas incompatibles avec une esthétique du rock parfois classique. D'arpèges en roulements de batterie, il laisse l'auditeur libre, et ne l'embarque pas dans sa propre torpeur mais en fait un spectateur empathique.Et c'est là que la force de "Minuit dans tes bras" se tient: il crée un choc comme on en a rarement ressentit, comme un happening dans lequel l'artiste protège le spectateur de sa propre douleur. 

Le paradoxe est bien là: si l'album est un uppercut et reflète une douleur extrême, ce n'est pas l'auditeur qui en paye le prix mais la guitare, la batterie et la voix. Les outils en somme qui s'éliment sur un textes acéré qui nous parvient sans jamais nous blesser. 

"Minuit dans tes bras" est donc un très grand disque, un moment majeur dans l'horizon du rock. Et c'est en cela qu'il est intimidant. Cependant, comme tout ce qui fascine, il est impossible de lui échapper et restera définitivement un bel et grand album qui a gagné notre admiration. 

 

 

S.D

 

Les cheveux gominés, costume noir, chemise blanche, lunettes et cravate, Gaspard Royant a fait disparaître le chanteur folk de ses débuts sur son EP de 2009. Rasé, la guitare en bandoulière, il nous rappelle Roy Orbison mais on soupçonne le petit grain de sable qui fera dérailler la machine huilée. 

Produit par Liam Watson, l'homme qui donna le son vintage aux White Stripes; Gaspard Royant affiche d'emblée la couleur. Il ne sera pas un hit maker pour l'industrie du disque, il choisit lui même son chemin. Pas question pour lui de filer à toute allure, surfant la hype sans se soucier de musique. Pour preuve: "10 hits wonder" est son premier album et il n'est pas question pour lui de céder à la facilité. 

En fixant d'entrée les règles et l'unité de temps, il compose des morceaux qui rendent hommages à cette musique qu'il aime et de laquelle il tire toute la pluralité. Car le rock n'est pas monolithique mais multiple. Ainsi, il passe du rockabilly à la pop naissante sans jamais sacrifier la production. 

Les 10 titres s'enchaînent donc avec un plaisir contagieux et nous envoient dans le passé sans jamais tomber dans la régression. 

Le français est intelligent et sait que l'exercice est délicat. Pourtant, sa franchise, son talent et l'envie de transmettre son plaisir de jouer avec le temps, n'occultent jamais son identité propre et n'en font pas un copieur de cette musique qu'il a déshabillée de sa nostalgie. 

A en croire ce "10 hits wonder", le chanteur est définitivement lancé et devrait croiser la route d'auditeurs avides d'horizons croisés et du talent qui sait rester humble malgré son évidence.

 

S.D

 

SUN KIL MOON 

benji

Pratiquant un anti-folk dans la veine de Bonnie Prince Billy (Will Oldham a d'ailleurs participé à un précédent album), les Sun Kil Moon sont de retour ces temps-ci avec un album céleste. Intitulé "Benji", cet album est construit comme un recueil de nouvelles qui font immédiatement penser à Raymond Carver ou à Russel Banks. Elles possèdent la même efficacité, la même vie que les personnages rencontrés dans les histoires des deux auteurs américains.

Mais les Sun Kil Moon n'ont pas la joie facile, ou plutôt pas dans l'évidence que nous nous sommes forgé. La mort est omniprésente dans ces 11 titres. Elles frappe d'un coup ou s'immisce lentement. Elle touche aveuglément l'enfant, le vieillard, le bon comme le salaud.

Ce que le groupe veut dire, c'est que non seulement elle remet les compteurs de nos existences à zéro, mais surtout (et c'est là le positivisme de ce merveilleux disque), elle donne du sens à nos existences.

Si on veut intellectualiser "Benji", il est la mise en application du Dasein d'Heidegger (une application consciente et maîtrisée car le groupe possède cette culture), et du coup en devient par extension une ode à l'existence humaine dans toute sa pluralité, sa dualité et ses paradoxes.

Une ode à chacun d'entre nous que la Mort ne fait que mettre en valeur au contraire de l'effacer. Un album sublime donc et d'une folle intelligence car il n'engendre ni tristesse, ni mélancolie, mais un plaisir fait d'apaisement et d'images douces.

A ranger avec Neil Young et Bonnie Prince Billy.

 

S.D

 

MONDKOPF 

hades

Il y a un peu plus de deux ans que le toulousain nous avait livré une vision de sa musique qui avait atteint sa maturité avec l'album Rising Doom. Revenant aujourd'hui avec cet Hades, il annonce d'emblée la couleur.

Car si l'on savait déjà que l'environnement sonore de Mondkopf était sombre, on était loin de se douter que nous n'avions pas encore atteint les tréfonds qui hantent cet univers d'angoisse et de violence. 

En  nommant son nouvel album du nom de celui qui était considéré par les Grecs comme le maître et gardien des enfers, il nous invite à y faire un voyage tout au long d'un disque qui mélange habilement les sonorités pour nous annoncer que l'Enfer est sur cette Terre. Daniel Darc disait: "Quand je serai mort j'irai au Paradis, c'est en Enfer que j'ai passé ma Vie." Et effectivement, à en croire Mondkopf, cet Enfer est parmi nous. 

Ouvrant avec des bruits d'armes à feu, de détonations qui ne cesseront jamais, il décrit un Monde fait de feu et de sang. Même les nappes mélodiques qui viennent se greffer sur ce chaos n'y peuvent rien, l'univers décrit dans Hades est un perpétuel chaos sur lequel la violence, les armes, les cris, le feu, le sang et les détonations règnent en maître. 

L'electro dark de l'artiste est un élément palpable, en mouvement. Décrit-il les événements qui parsèment et assombrissent le Monde (la Syrie, l'Afghanistan, le Cachemire, l'Egypte, la Colombie, le Soudan....)? Prophétise-t-il un monde à venir dans lequel seules ces visions d'horreur auront voix au chapitre après avoir vaincu la lente déshumanisation? 

En tous les cas, il réalise un disque d'une rare puissance évocatrice, une oeuvre fascinante bien qu'angoissante et prouve une nouvelle fois son talent de chroniqueur et presque de plasticien en invoquent dans sa musique autant la réalité si dure soit-elle que la poésie. Comme si les deux étaient indissociables et voués à ne vivre que par leur antagonisme. C'est la pensée de Cioran, celle d'Arendt, de Nietzche qui est en action chez Mondkopf. C'est cette mise en application de préceptes, une mise en musique lucide mais au pessimisme implacable qui se joue avec Hades. Mais surtout, c'est l'apothéose d'un musicien qui concrétise ses cauchemars pour nous en livrer une véritable rêverie bien qu'atypique et qui fait que l'on se demande bien jusqu'où les constructions remarquables et l'échafaudage de mélodies et de cendres nous emmènera au cours du parcours singulier d'un artiste qui n'a pas peur de continuer à rêver sous les bombes. 

Acceptons alors ce voyage au pays d'Hades sur lequel nous ne danserons pas et entrons avec Mondkopf dans cet univers à la recherche de la beauté sous les décombres qui nous entourent. 

 

S.D

 

TEMPLES 

sun structures

Ils avaient dévoilé deux titres durant l'été et nous attendions avec impatience d'en écouter plus. 

Voici enfin l'album des Temples, groupe adoubé par Johnny Marr (The Smiths) et Noel Gallagher (Oasis), rien que ça!

Si le titre et la pochette évoquent l'obsession architecturale des Pink Floyd, c'est du côté d'Electric Prunes et du rock californien des années 70 qu'il faudra chercher une parenté. Car si les premières mesures nous renvoient à un rock psychédélique façon Brian Jonestown Massacre, la pop prend vite le relaie. Et si cet étrange mariage entre psychédélisme et pop n'est pas nouveau, il n'en est pas moins réjouissant de sentir les chansons se succéder avec une luminosité et un plaisir non feint. 

Le quatuor connait son Mamas and Papas par coeur et même si l'on sent parfois pointer l'ombre d'un Artic Monkeys, il ne supporte aucune comparaison. 

Copie de personne et de toute la pop en même temps, ils semblent avoir digéré puis assimilé la recette pour faire de ce "Sun Structures" un disque enivrant qui parait presque trop court tant il tombe sous le coup de l'évidence sans jamais éviter les surprises. 

Les Temples mènent donc leur propre danse dans leur bulle. Bulle qui renferme quelques joyaux et qui nous donne à voir comme il se doit le spectre d'une lumière qui, si elle n'émane pas directement de l'astre solaire, y ressemble à s'y méprendre. 

Coups d'essai réussit donc pour ce jeune groupe qui a également une solide réputation côté live. A surveiller de très prêt donc et à écouter sans la moindre hésitation.

S.D

 

 

XIU XIU 

ANGELS GUTS RED CLASSROOM

Fan depuis de nombreuses années de Xiu Xiu il n'était pas question de s'attendre à un disque facile d'accès mais il faut avouer que l'artiste nous donne là son album le plus sombre et le plus violent qu'il ai jamais signé.

Avouant lui-même qu'il a choisit comme titre celui d'un film pornographique japonais particulièrement malsain, il prévient par la même occasion de la teneur de ce que ce monstre musical contient: soit de la violence, du sang, du sexe, et une profonde détestation de soi et du monde. Véritable manifeste du contre, il s'en prend violemment à son auditeur dans un rapport sado-masochiste revendiqué. 

Si l'ombre de Scott Walker plane toujours sur la discographie de Xiu Xiu, c'est d'abord par cette voix tremblante, venue d'outre-tombe. Cette voix si expressive, capable de vous charmer autant qu'elle peut vous faire trembler, elle est un instrument supplémentaire à ces nappes de sons torturés qui font de cet album un album à la noirceur extrême. 

Pourtant, si Xiu Xiu manipule à la perfection les codes de l'indus le plus radical, il n'en rend pas moins au delà de son agressivité, un sentiment d'humanité troublant qui hante le disque de bout en bout. 

En refusant les limites, en jouissant d'une liberté totale comme un anarchiste de l'esthétique, il compose un album majeur de son oeuvre qui ne versera jamais dans les facilités et la flatterie. 

On aime profondément Xiu Xiu et cet album là en particulier parce qu'il questionne sur la beauté, sur son rapport à la laideur, à la violence et au sang. Pour Xiu Xiu, ces thèmes sont indissociable du sexe. Ramenant ainsi à la thématique creusée depuis quelques temps à son aîné Scott Walker, il sait que la mort révèle la vie et inversement. 

Ainsi, "Angels guts red classroom" n'est pas un album à mettre entre toutes les oreilles,certes, mais pour celui qui voudra bien accepter les coups sans sourciller, il y a tout un monde à admirer et à vivre  sous cette couche de musique en décomposition, rongée par la haine. Il faut vivre cette expérience, parce que ce monde caché se dévoile pour notre plus grand bonheur grâce à l'effort du chemin à parcourir. Et sans être lumineux (loin de là), ce recueil s'avère être un magnifique écrin à l'introspection et à la richesse du vivant. 

Merci à Jamie Stewart de nous permettre régulièrement de nous confronter au terrifiant, au laid, à la tristesse et la noirceur pour nous faire avancer vers ce qu'ils recouvrent.

S.D

 

 

BECK 

MORNING PHASE

C'était en 2008 avec "Modern Guilt". Depuis, Beck a participé à bien des projets (Charlotte Gainsbourg, Thurston Moore ....) mais n'avait pas donné de suite à sa discographie si particulière. La marque de l'américain étant un hétéroclisme musical qui ne trouve d'équivalence pratiquement que chez Bowie. S'étant frotté au blues, au folk, à la pop et même au funk, il ne lui restait que peu de paysages à traverser. 

Et le voici qui revient avec un "Morning Phase" qui évoque sans détours les horizons dévoilés par Fleet Foxes ou Midlake. 

De plus, au regard de sa discographie, on note cette anomalie: lui qui d'habitude compartimente ses albums sans créer de liens entre eux, il construit là une passerelle avec le magnifique "Sea Change" sorti en 2002. Seulement, quand "Sea Change" nous faisait percevoir un crépuscule, "Morning Phase" nous éveil à la beauté de l'aube. 

Au fil des morceaux, il égrène un rock-folk lyrique qui vit dans un état de semi-conscience. Cette phase où les rêves se mélangent à la réalité. Ce moment étrange, limbique durant lequel la transition se fait entre le subconscient et le conscient. 

Marchant donc dans les même sables mouvant que Fleet Foxes et côtoyant les mêmes fantômes que Midlake, il révèle aussi une magie et une architecture plus floydienne, allant parfois jusqu'à faisant jouer sa voix pour qu'elle semble sortir du groupe lui-même tant elle ressemble à celle de David Gilmour. 

Mais ce serait sous estimer Beck en se disant que ce "Morning Phase" n'est qu'un exercice de style. Il utilise tout cela comme un artisan le ferait d'outils pour reconstruire cette phase d'éveil qui est tout le concept de cet album majestueux. Chaque chansons s'articulant les unes par rapport aux autres pour avancer dans un crescendo vers l'ultime éveil sur un monde baigné de soleil. 

Beck est également un formidable producteur, un faiseur d'images qui laisse tout le monde derrière lui et avance dans son univers aux mille couleurs. 

"Morning Phase" est un album radieux, jonché de chansons inoubliables. Un de ces trésors dont il a le secret et dont on espère bien ne pas à avoir à attendre trop longtemps pour continuer le chemin tortueux mais enivrant qu'il crée au fil de son impeccable discographie. 

 

S.D

 

 

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