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TIMBER TIMBRE

HOT DREAMS

Lorsque l'on évoque Timber Timbre, on repense à une série d'albums folk véritables cousins de ceux de Lambshop. Mais avec "Hot Dreams", le groupe canadien opère un virage vers la Californie et devient sous ce nouveau soleil un groupe en pleine mutation, désireux d'élargir le spectre de sa musique, quitte à l'étirer vers une beauté extatique que n'aurait pas renié Nick Cave sur son album "Push the sky away".

 

En n'hésitant pas à couvrir ces morceaux folk de nappes soul, le groupe parvient à s'élever au dessus de ses précédents albums déjà magnifiques. En parvenant à faire vibrer les tonalités qui faisaient sa marque dans d'autres champs, le groupe prend un risque. Celui-ci s'avère largement payant, puisque avec "Hot Dreams" nous tenons le disque le plus immédiat qu'il nous a été donné d'entendre ces dernières semaines. La voix de Taylor Kirk résonne dans les graves sur des chansons belles et déroutantes et a parfois l'audace de s'effacer sur des morceaux instrumentaux prodigieux. 

 

Cet album permet donc au groupe d'atteindre des sommets qu'il avait certes déjà côtoyé, mais en osant le voyage vers l'inconnu et les ruptures, il laisse apercevoir toutes les éventualité auxquelles le groupe et l'auditeur doivent se préparer pour les albums futurs. La définition même d'un album excitant.

S.D

 

 

Klô PELGAG

l'alchime des monstreS

Peu de disques français à l'honneur ici pour une seule raison: la production pauvre ou médiocre des chanteurs français. Lorsque parait un disque enfin dégagé des clichés et des facilités qu'empruntent souvent les artistes francophones, il faut le souligner. Klô Pelgag est de cette trempe, de ces artistes qui mettent l'expression avant le marketing dans leur processus créatif. Ecoutez cet extrait de son album "L'alchimie des monstres", vous comprendrez que la voix, l'ambition musicale et la production, n'ont rien à voir avec les modes, la nostalgie, les paraphrases dont nous sommes habitué avec la musique francophone.

 

KELIS

FOOD

  Si Kelis avait dynamité le Rn'B avec son single "Trick Me" en 2004, le moins que l'on puisse dire c'est qu'elle n'avait pas convaincu il a 4 ans avec son album "Flesh Tone" produit en partie par le catastrophique David Guetta. Un album immonde, d'une vulgarité inouïe, au point que l'on a bien cru que la chanteuse était définitivement perdue.

 C'était sans compter sur les capacités de Kelis à remettre en question son travail. En effet,  avec "Food", elle entre par la grande porte au catalogue du label Ninja Tune.

 

 Dans un mélange de soul raffinée, de pop aux accents jazzy, et parfois même d' éthiojazz, Kelis nous embarque dans une expérience intime où les fantômes familiaux croisent ceux qui la poursuivent depuis qu'elle est un monstre médiatique. Car le père de la chanteuse étant lui même musicien de jazz, l'héritage est ici pleinement assumé mais confronté à la modernité d'une musique décomplexée, voire dénuée de toute culture. 

 Elle croise ainsi les  générations, les courants et les modes en les rendant universels, détachés de leurs sources comme la chanteuse a put l'être jusqu'ici.

 

 Kelis fait désormais des choix. Elle entreprend une remise en question de toute sa musique. Rien n 'est plus remarquable que cette démarche puisque après avoir connu la gloire, les excès puis la chute et le ridicule, elle se trouve désormais avide de musique, de racines et d'émotions. Pour tout cela, "Food" est une réussite. Un album simple, sans autre prétention que de retrouver la source du plaisir. Cette ambition était déjà énorme, mais elle est atteinte et dépassée au delà de ce que nous pouvions espérer.

 

S.D

 

MIOSSEC

ICI-meme, ici-bas

  Cela fait une vingtaine d'année que Miossec traîne sa voix sur des plaies mal soignées, une sorte de faillite éternelle de l'âme, un succédané de Vie. Avec son nouvel album "Ici-bas, ici même", rien ne change et pourtant tout bouge. Le couple est toujours impossible, l'existence lourde à porter mais comme il le dit lui même dans "On vient à peine de commencer": "On peut encore se raccrocher à la poésie". Et il ne s'en prive pas. 

  On connait l'intérêt que porte Miossec à la littérature et l'importance qu'elle a dans son écriture. D' Henri Callet ("ne me secouez pas, je suis plein de larmes"), à Pierre Drieu La Rochelle ("Un homme couvert de femmes"), en passant ici par Paul Eluard, dont l'ombre plane sur quelques textes ("Si nous portons ainsi notre visage, c'est pour qu'il soit un jour aimé...""). Faire parler les auteurs tutélaires au milieu de ses propres mots permet non seulement à Miossec d'emporter les textes  au coeur des émotions, mais surtout, de se cacher derrière eux dans une pudeur palpable. 

 Dans le cas d'"Ici-bas, ici même", cette écriture retrouve une seconde jeunesse puisque Miossec va jusqu'à s'effacer totalement derrière les mots de Sophie Calle et Grégoire Bouiller (Répondez par oui ou par non) et confie les arrangements à Albin de la Simone. 

 De ce travail collégial, on tire une double lecture qu'illustre parfaitement la pochette. Une lecture en plein ou une lecture en creux. Autrement dit, les mots sont aussi importants que les non-dits; Miossec s'efface autant qu'il se dévoile.

 

 Enfin, il ya derrière les thématiques abordées (vieillir, mourir, aimer, oublier, la solitude....), une irrésistible rengaine énoncée dans le premier titre et qui nous poursuit tout l'album: "C'est pas fini, on peut encore se retourner". Et puis, vous reconnaitrez quelques traces du premier album du chanteur à travers des accords familiers. Une autre façon de dire qu' "On est quand même plus beaux vivants que morts même si on a l'air moins reposé. C'est qu'ici on fait trop d'efforts."

 

 Un disque fait de grâce, de pudeur et de poésie. 

S.D

 

Eels

the cautionnary tales of Mark Oliver Everett

  Mark Oliver Everett cache de moins en moins la part autobiographique de ses disques. Un an après la parution de son album "Wonderful, Glorious" et de sa biographie "Tais Toi ou Meurs" (Ed. 13eme Note. 2013), il revient déjà avec un disque intime, décalé, où la légèreté le dispute comme d'habitude à l'obscur. Un disque fait des contrastes d'Eels et sans doute les plus belles compositions d'Everett."The cautionaury tales of Mark Oliver Everett",  se lit autant qu'il s'écoute comme une somme des précédents albums d'Eels, mais surtout comme une nouvelle promesse de porter son auditeur vers des chansons toujours plus lumineuses. Jusqu'à s'en brûler les ailes?

S.D

 

Scott H.Biram

Nothin but blood

 

Conjuguant Blues et Punk dans une prière païenne flirtant même avec le death metal sur "Around the bend", Scott H.Biram continu sa lente dérive vers une rédemption qu'il peine à trouver.

Sa musique habitée convoque un blues texan, sale et violent qui fait cohabiter de pures moments de poésie avec des textes capables d'être orduriers à l'extrême. 

Bruits de chaînes, crépitements et pluie sont omniprésents en arrière fonds et jettent le trouble sur cette prière punk. En effet, à l'image de la pochette qui nous montre un Scott H. Biram en position de baptème dans une rivière rouge sang, semblant implorer les cieux; il y a tout au long de cet album une recherche rédemptrice exempte de toute croyance. L'homme incarné par le bluesman y cherche un dieu mais se trouve confronté inexorablement à la nature et à l'homme. En toute réponse à cette prière: le sang et rien d'autre. 

 

Scott H.Biram crie fort, pleure et souffre sur des supplications blasphématoires à force de ne pas être entendu. Seul devant des cieux silencieux, il lance des appels, il rage et semble parfois au bord de la rupture. Son "Amazing Grace" plein de vapeurs d'alcool, baignant sous un déluge, reste l'un des plus beaux qu'il nous a été d'entendre. 

 

Il y a quelque chose de Tom Waits dans ce bruit imparfait qui salit une voix brisée par l'ivresse et la déséspérance, mais aussi dans ce portrait d'une amérique blanche pétrie de valeurs chrétiennes et pourtant si encombrée de violence et de perte d'identité. Une amérique schyzophrène qui soigne son vertige par un autre. Qui cherche un dieu et tente de l'oublier immédiatement dans l'alcool et le bruit. 

 

De cette dualité, de ces ruptures, de cette esthétique à la fois folk, country et punk; Scott H.Biram signe un huitième album qui ne nous fait pas regretter ce jour inoubliable où il nous fût donner de l'entendre la première fois. Il continu de tracer avec ce "Nothin but Blood" une route faite de prières et de blasphèmes, une route sinueuse au coeur d'une amérique troublée, perdue et remplie d'âmes sombres en recherche d'un nouveau chemin et de réponses qu'il n'est finalement pas si utile de trouver. L'important étant dans la question.

S.D

 

THE NOTWIST

CLOSE TO THE GLASS

Les allemands de Notwist sont de retour après 6 ans d'absence avec Close to the glass qui fait suite à l'impressionnant The Devil, You + Me qui déjà avait la lourde tâche de succéder au classique Neon Golden qui fut d'ailleurs réédité en 2010 tant son aura brille sur la création electro-indépendante contemporaine. Une discographie qui prend son temps donc et qui laisse derrière elle des traces indélébiles dans l'espace musical qu'elle traverse. 

 

Paru il y a presque 2 mois, cet album s'avère à la hauteur de ses illustres prédécesseurs au sein d'une discographie qui débuta pourtant sous des auspices plus punk-rock que l'electronica sophistiquée d'aujourd'hui. Car si on avait pris l'habitude d'associer Notwist au territoire peuplé par Spiritualized, Tortoise ou Radiohead, il faut désormais revoir notre cartographie car Notwist va au-delà.

 

Les textures, bien sûr, nous sont familières. Ce mélange extraordinairement léger de sons issus de machines, d'instruments et de la voix de Mark Archer  semble appartenir à un monde qui nous est proche mais c'est de mimétisme qu'il s'agit en fait. Car Notwist n'est pas un groupe de musique organique. Il simule la biologie de sa musique mais c'est un être fait de câbles, de plastiques et de programmes. Ce groupe est la synthèse de la machine et de l'être humain. Il cherche à faire naître des émotions de ce qui ne peux pas en produire et pour cela il est comme une machine intelligente: il tente de produire de l'humain afin de générer ces émotions. Mais l'outil est voué à l'échec: il ne peut pas faire naître ce qui lui est étranger. 

 

L'étrange  résultat de cette confrontation est un combat intérieur qui se joue dans Close to the glass. En confrontant l'homme à la machine, en les conjuguant, on atteint de véritables instants de grâce où la musique parvient à devenir pop comme sur Kong qui est l'archétype même de ce combat entre le binaire et l'organique, entre la froideur mécanique et la chaleur de la mélodie. On parvient même à saisir l'émotion de ce disque qui tente de percer le secret du coeur par delà l'incommunicabilité de l'outil-machine. 

 

​Car c'est bien dans cette recherche du prolongement virtuel de l'homme et de ses émotions que se concentre toute la problématique de Close to the glass. Et c'est également là que se trouve toute sa puissance émotionnelle. Bouleversant.

 

Un questionnement immense qui devient ici ce qu'il y a de plus bouleversant. Un nouveau monument dans la géographie de The Notwist. 

 

 

S.D

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