L'Art vise à imprimer en nous des sentiments plutôt qu'à les exprimer
Henri Bergson
Glasba
LION
Peter murphy
Il devient loin le temps où Bauhaus rugissait son "Bela Lugosi is dead"et jouait les trouble fête dans l'orgie post-punk des années 80. Il s'évapore dans une mémoire collective défaillante qui ne sait plus très bien faire la différence de loin entre Siouxsie et This Mortal Coil. Pourtant, l'âme de Bauhaus reste brûlante grâce à son créateur qui continu de nous servir quelques albums par ci par là . Ce Bauhaus là , celui qui préférait déconstruire plutôt qu'édifier, souffle toujours son air vicié par l'entremise de Peter Murphy, ici auto-proclamé "vieux lion", roi d'un territoire musical arride et accablant.
De sa voix incantatoire, le chanteur parvient à pénétrer sur les terres désolées d'un autre fauve: Scott Walker. Les guitares acérées, la batterie lourde, il avance au son d'une cavalcade virile qui sème inexorablement une violence sourde partout où elle passe.
Fidèle à lui même, Peter Murphy rugit une angoisse morbide dans un sabbath moderne.
De ce disque peu aimable, presque belliqueux, sort ce qu'Hugo nommait "la beauté des laids": une vision si extrême du monde et de la musique qu'elle en devient bouleversante.
Tout comme un vieux lion à la crinière toujours sublime.
S.D
AND THEN YOU SHOOT YOUR COUSIN
tHE ROOTS
C'est à une cadence sidérante que les Roots continuent de publier des albums qui tentent de dreaser des ponts entre les genres, les éoques et les cultures. Après le déchirant Undun et le grandiose Wise up ghost aux côtés d'Elvis Costello, les voici déjà de retour avec une nouvelle chronique à la manière de Undun justement et Things fall apart, l'album qui les révéla au grand public en 1998.
Et si l'on sait depuis toujours que le collectif new-yorkais sait mêler avec intelligence le hip-hop avec la soul la plus profonde et le jazz le plus libre, il fusionne ici les genres pour peindre la portrait d'une amérique multi-culturelle dans un récit digne des meilleurs nouvellistes américains. Et c'est dans cette peinture faulknérienne que les Roots trouvent leur identité. Dans ce mélange des cultures, dans cette amérique violente et pourtant (justement) tellement humaine, dans la dimension tragique des destins qui s'y croisent; dans tout cela, il y a un peu de cette culture collective (Faulkner, Hooper, Rockwell, Memphis Slim, Scorsese ou Spike Lee...) qui forge l'âme et la musique des Roots.
Sans barrières, sans complexes et avec leur sens de la formule qu'ils ajoutent à une volonté de faire un hip-hop mélodique sans jamais l'affadir, les Roots nous laissent apercevoir une nouvelle fois leur vision à hauteur d'homme du plus moderne des sujets: celui de la transformation d'une société et de sa dualité entre espérance et fuite en avant.
Un disque humain, curieux et complexe.
S.D